"Fortuna", un film sublime qui nettoie notre regard sur les migrants — Union des Réseaux Congréganistes de l'Enseignement Catholique

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"Fortuna", un film sublime qui nettoie notre regard sur les migrants

Deuxième long-métrage du Lausannois Germinal Roaux, "Fortuna" sort mercredi dans les salles romandes. Sensation de la dernière Berlinale, ce film raconte l’histoire d’une jeune Ethiopienne qui trouve refuge au Monastère du Simplon.

Bande-annonce 

Tourné chez les chanoines de l’hospice du Simplon, "Fortuna" a reçu l’Ours de Cristal à la Berlinale et le Grand prix du jury international de Génération 14plus pour le meilleur film.

Filmé en noir et blanc, entre documentaire et fiction, "Fortuna" raconte l’histoire d’une adolescente éthiopienne de 13 ans qui, après avoir traversé la Méditerranée, est accueillie avec d’autres réfugiés au Monastère du Simplon pour passer l’hiver.

Bruno Ganz incarne le prieur de cette communauté perchée à 2000 mètres d’altitude, à la frontière entre la Suisse et l’Italie, la terre et le ciel.

Pour les chanoines du Grand-Saint-Bernard, habitués au silence et à la paix, accueillir une équipe de cinéma fut un peu compliqué, au début. "Pour les frères, débarquer à 80, avec camions, caméras, trépieds et lumières n’était pas évident. Ils ont demandé à lire le scénario, l’ont validé, et ensuite nous ont aidé. Par exemple, en nous prêtant des vêtements."

Dimension spirituelle et politique

Imprégné de grandes questions morales, sur notre relation à l’autre, sur nos valeurs et nos choix intimes, porté par un souffle presque mystique, le film évite le triple piège de la bigoterie, de la condescendance ou de la moquerie.La valeur spirituelle du film ne fait pas oublier la dimension politique de ce récit qui met en scène une jeune fille déracinée et livrée à elle-même, dont le destin n’est pas sans rappeler les grands mythes fondateurs, de l’Arche de Noé, à la figure de Marie dans l’étable.

Casting en Ethiopie

Non professionnelle, Kidist Siyum Beza a été choisie, comme d’autres acteurs du film, lors d’un casting effectué à Addis-Abeba, en Ethiopie. Elle se dit proche du personnage de Fortuna. Comme elle, elle est très croyante et adore les animaux.

Mais en venant quatre mois en Suisse, elle ne s’attendait pas à avoir aussi froid et dit avoir été très surprise, à la première projection du film, par la présence des montagnes enneigées. "Je les avais vues, évidemment, mais je ne pensais pas qu’elles auraient un tel impact à l’image."

Expérience sensorielle

Comment Germinal Roaux, 41 ans, en est-il arrivé à écrire "Fortuna" ? "Ma compagne travaille dans des classes d’accueil pour mineurs non accompagnés. J’ai pris conscience du vécu de ces enfants, j’ai été touché par leur traversée de la Méditerranée pour arriver jusqu’à nous. Mais que peut-on faire ? Ma réponse est artistique qui aborde toutes ces questions mais en biais, sur un mode poétique, pour nous éveiller."

Entre Bruno Ganz, polyglotte et expérimenté, et la jeune Kidist Siyum Beza qui ne parlait pas un mot de français, la direction d’acteurs fut contrastée. Tandis que Germinal Roaux racontait chaque jour l’histoire de son film à la jeune fille afin qu’elle s’en imprégne, pour son acteur principal, il a écrit un texte au cordeau, sur sa demande.

Bruno Ganz parle de Germinal Roaux comme d’un cinéaste têtu au bon sens du terme, "un homme qui sait ce qu’il veut et comment l’obtenir, un homme qui ne fait pas de concession".

En revanche, et en dépit de la majesté du lieu, l’acteur dit ne pas avoir été inspiré par le la montagne : "Je n’y suis pas à l’aise, c’est un peu triste et oppressant".

Propos recueillis par Raphaële Bouchet
Réalisation web : Marie-Claude Martin

Source : https://www.rts.ch/