Entre le public et le privé, la guerre scolaire est-elle déclarée ?
Qu’on dit les élus de droite ?
Ces derniers jours, plusieurs élus de droite ont adressé une mise en garde au gouvernement, inquiets des discussions en cours entre le secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec) et le ministère de l’éducation nationale, qui visent à renforcer la mixité sociale des établissements. « La mission de l’école, c’est la transmission des savoirs. Or, seul un élève sur deux atteint un niveau de lecture satisfaisant en sixième, un sur deux est en difficulté en mathématiques. Ce n’est pas le moment de rallumer la guerre scolaire avec le privé ! », a par exemple lancé Gérard Larcher le 26 avril sur Franceinfo.
Un repoussoir déjà brandi la veille, dans Le Figaro, par le président des Républicain, Éric Ciotti, ou encore par l’élue parisienne Rachida Dati sur Europe 1.
Qu’appelle-t-on la guerre scolaire ?
L’expression renvoie à un conflit très structurant de la société française du début du XXe siècle, « quand les villages se divisaient entre les familles qui envoyaient leurs enfants à l’école du curé, et celles qui les envoyaient chez l’instituteur », rappelle Jean-Louis Auduc, spécialiste des sciences de l’éducation. Très longtemps, ce débat est resté inflammable sur le plan politique. « Ainsi, la loi de 1959 qui crée le contrat d’association des établissements privés avec l’État porte le nom du premier ministre de l’époque – Michel Debré – car son ministre de l’éducation, en désaccord, avait démissionné. » En 1983, François Mitterrand avait dû enterrer le projet de loi Savary après d’immenses manifestations.
Pour autant, parler de guerre scolaire aujourd’hui n’aurait plus grand sens, reprend Jean-Louis Auduc, car l’époque a changé : « Le privé est désormais perçu comme un recours pour les familles déçues du public. L’heure est davantage au zapping, comme le montre l’exemple parisien : dans la capitale, un élève sur deux a suivi au moins un an de scolarité dans le privé. »
Le protocole à l’étude porte-t-il en germe une bataille idéologique ?
Le ministère et l’enseignement catholique se défendent d’être au bord d’un conflit. Selon l’entourage de Pap Ndiaye, « on est très loin de la guerre scolaire. Le protocole sera signé entre deux parties consentantes », le souci de mixité étant largement « partagé par l’enseignement catholique ». « Le ministre ne nous a rien imposé, confirme Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique. Nous partageons avec lui la volonté de trouver des moyens d’être attentifs aux plus vulnérables. » « Cette attention fait partie de notre ADN », renchérit Gilles Demarquet, président de l’Association des parents d’élèves de l’école libre (Apel). Les pères fondateurs, que ce soit Don Bosco ou saint Jean-Baptiste de La Salle, avaient ouvert des établissements précisément pour former les plus fragiles. « L’accueil de tous figure toujours au cœur de notre projet », ajoute-t-il.
La mixité ne servirait donc pas de faux nez à une remise en cause plus profonde du caractère propre des établissements catholiques. Philippe Delorme a d’ailleurs rappelé l’existence de lignes rouges dans les discussions avec le ministère. Ainsi, il ne sera pas question d’entrer dans un système d’affectation ou d’intégration à la carte scolaire.
Pour Jean-Louis Auduc, il faut éviter de faire de cette question un enjeu d’affichage politique, au risque de « rallumer de vieilles rivalités », d’autant que les progrès en termes de mixité sociale viendront de réglages au niveau local. Ainsi, dans l’académie de Toulouse, un accord a été conclu entre la direction diocésaine et le rectorat, permettant aux familles du quartier du Mirail qui le souhaitent de scolariser leurs enfants dans des établissements privés de centre-ville.