« L’entre-soi n’est ni une solution ni notre vocation » — Union des Réseaux Congréganistes de l'Enseignement Catholique

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« L’entre-soi n’est ni une solution ni notre vocation »

Jusqu’ici directeur diocésain à Créteil, Philippe Delorme succédera le 1er septembre à Pascal Balmand comme secrétaire général de l’enseignement catholique. Dans sa première interview à la presse, cet ancien professeur d’économie, qui fut directeur d’établissement, réagit aux réformes Blanquer et dévoile ses priorités.

Entretien avec Philippe Delorme, Secrétaire général de l’enseignement catholique receuilli par Denis Peiron de La Croix.

Jusqu’ici directeur diocésain à Créteil, Philippe Delorme succédera le 1er septembre à Pascal Balmand comme secrétaire général de l’enseignement catholique.

La Croix : En cette rentrée, le lycée se voit débarrassé des filières au profit d’un tronc commun et de spécialités. Comment vos établissements accueillent-ils ce changement ?

Philippe Delorme : Cette réforme est plutôt bien accueillie parce que l’enseignement catholique a toujours eu le goût de l’innovation. Et qu’en sortant de la logique des filières, de la hiérarchisation artificielle des séries, elle permet aux jeunes d’effectuer des parcours plus originaux, correspondant davantage à leurs attentes, à leurs talents. Elle permet aussi de rassembler dans une même classe des élèves plutôt littéraires et d’autres davantage intéressés par les sciences ou l’économie. C’est intéressant humainement et peut concourir à la dynamique pédagogique. Il est tôt pour avoir une vision exhaustive mais il semble que beaucoup de nos lycéens aient mis à profit cette liberté nouvelle plutôt que d’opter pour des combinaisons de spécialités calquées sur les filières qui existaient jusqu’ici.

À quelles conditions cette réforme sera-t-elle un succès ?

P. D. : Il faut notamment que nos établissements renforcent leur travail d’orientation, et ce, dès le collège. Une orientation qui ne se limite pas à la dimension scolaire mais qui soit abordée à la façon d’une vocation. Il s’agit d’aider le jeune à effectuer un travail de discernement, l’amener à se demander ce qu’il veut faire de sa vie, quel sens il entend lui donner. Ce défi, les établissements doivent le relever avec l’Apel, l’association de parents d’élèves, déjà très active dans ce domaine.

Une autre réforme entre en vigueur, l’abaissement à 3 ans de l’instruction obligatoire. Que change-t-elle pour l’enseignement catholique ?

P. D. : Elle offre une opportunité d’accorder une plus grande attention aux enfants handicapés, et ce, dès la maternelle. Plus tôt intervient l’intégration, mieux elle se passe. Car à 3 ans, on ne fait pas vraiment la distinction entre un élève porteur d’un handicap et un autre camarade. Et la présence d’enfants « différents » paraît à tous d’autant plus naturelle qu’elle est effective dès le début de la scolarité.

Conséquence de l’instruction obligatoire à 3 ans, les communes vont devoir financer les maternelles privées (1). Celles qui le faisaient déjà à des degrés divers, de leur propre gré, ne bénéficieront pas de compensation de la part de l’État. Leur réclamerez-vous un forfait complet pour la maternelle ?

P. D. : Il faut tenir compte des situations, très variables d’une commune à l’autre. L’essentiel, c’est que, dans toutes les communes où nous sommes implantés, nous arrivions progressivement et fermement à la parité de financement que prévoit la loi (NDLR : une commune doit dépenser la même somme pour chaque écolier, qu’il soit scolarisé dans le public ou dans le privé).

Comment abordez-vous votre mandat ?

P. D. : Dans la continuité du texte d’orientation adopté en juin par notre comité national. Un texte qui promeut une « responsabilité en partage ». Nous voulons une école de l’hospitalité, de l’explicitation (pour que chacun saisisse ses codes et ses attentes), du décloisonnement (entre premier et second degrés, entre les disciplines, entre l’établissement et l’extérieur, y compris les entreprises) et de la participation de tous (en invitant notamment les jeunes à s’engager, comme ce sera le cas au sein d’un comité diocésain des élèves, à Strasbourg). Nous devons aussi continuer à réfléchir collectivement sur le terrain aux ouvertures, fermetures, fusions et regroupements d’établissements.

Est-ce que le mouvement des gilets jaunes, qui a mis en lumière le sentiment d’abandon dans certains territoires, vous incite à la prudence ?

P. D. : Nous sommes et restons attentifs à notre maillage territorial, essentiel, mais il nous faut suivre les évolutions démographiques et redéployer, avec courage, des postes là où la demande est la plus forte.

Certains reprochent à l’enseignement catholique de ne pas œuvrer suffisamment pour la mixité sociale, culturelle, scolaire. Que leur répondez-vous ?

P. D. : Que la réalité est très contrastée d’un territoire à l’autre. Que les fragilités ne se résument pas à une catégorie socio-économique. Que le degré de mixité est aussi le fruit d’implantations historiques. Un exemple : dans le diocèse de Créteil, nos écoles se situent dans d’anciennes banlieues pauvres devenues des banlieues chic. Le profil de nos élèves n’y varie guère de celui des jeunes des établissements publics voisins. En tout cas, nous réaffectons en cette rentrée 96 postes pour notre « plan réussite ». Depuis 2008, 1 375 emplois ont été redéployés vers ce dispositif de mixité sociale et scolaire.

Certains parents, jugeant l’enseignement catholique pas assez « catholique », optent pour des écoles hors contrat, un phénomène marginal mais qui va croissant. Qu’en dites-vous ?

P. D. : Nous avons suffisamment défendu la liberté de l’enseignement pour ne pas respecter leur décision… Nos établissements, eux, doivent être en mesure de proposer aux enfants, quand leurs familles le souhaitent, un accompagnement dans la foi. Mais ces mêmes familles doivent accepter que l’entre-soi n’est ni la solution ni notre vocation. Car on s’enrichit de la différence. Et l’accueil de tous, inconditionnel, n’est pas seulement imposé par la loi, en échange de financements. Il découle en premier lieu de l’Évangile. Alors oui, on peut dire que l’école catholique n’est pas et ne sera jamais assez catholique. Tout simplement parce qu’on ne sera jamais assez aimant pour aimer comme le Christ ! Mais elle doit offrir à la société un signe d’espérance, montrer que la fraternité est possible.

Plusieurs établissements publics parisiens ont été touchés par une pollution au plomb liée à l’incendie de Notre-Dame. Qu’en est-il de vos écoles ?

P. D. : Des mesures ont été effectuées dans nos établissements potentiellement concernés. Toutes indiquaient des teneurs inférieures au seuil défini par le code de la santé. Toutes, sauf trois réalisées au rez-de-chaussée de l’école Sainte-Clotilde, dans le 7e arrondissement, qui a fait l’objet d’une assignation en référé par un parent. Une société de nettoyage est en cours d’intervention. Et la rentrée se déroulera normalement dans tous nos établissements parisiens.

A retrouver sur le site de La Croix