Journée Corref "Abus spirituels, abus de conscience, abus sexuels sur mineurs et personnes vulnérables - Ecoute/Formation/Protection" — Union des Réseaux Congréganistes de l'Enseignement Catholique

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Journée Corref "Abus spirituels, abus de conscience, abus sexuels sur mineurs et personnes vulnérables - Ecoute/Formation/Protection"

Le 28 janvier 2019, une centaine de religieux.ses et des personnes victimes étaient réunies pour une session sur le thème des abus spirituels, de conscience et sexuels.

La session faisait suite à une première rencontre de sensibilisation et de partage organisée en juin dernier.La matinée était consacrée aux interventions de Mme Marie Balmary, du Père Stéphane Joulain et de Mr Sauvé. Les ateliers de l’après-midi, animés par des experts, ont permis d’aborder différents thèmes : 

  • Ecoute-accompagnement des personnes victimes 
  • Ecoute-accompagnement des auteurs 
  • Formation initiale et continue 
  • Les procédures : règles canoniques, juridiques 
  • La protection : les protocoles

En ouverture de la session, Sr Véronique Margron a donné le ton de cette importante journée. Voici son intervention :

Serions-nous, enfin, sur notre chemin de Damas ?

Nos yeux seraient-ils désormais aveuglés par la vraie lumière pour enfin voir la vérité ?
« Comme Saul était en route et approchait de Damas, soudain une lumière venant du ciel l’enveloppa de sa clarté. Il fut précipité à terre » (Ac 9, 3).
Saul, lui qui se croyait juste, « pharisien, fils de pharisien » (23, 6), zélé.


Nous aussi nous avons cru sans doute que nous étions justes et observants. Mais nous sommes tombés à terre et notre Église est en hiver. Nous croyants fidèles, perspicaces et savants grâce à notre connaissance, notre savoir, grâce à la sagesse séculaire de nos traditions. Mais nous étions en réalité aveugles de la vérité, de la souffrance infligée par des membres de nos Maisons, de nos Communautés, de nos Églises. Aveugles de nos mœurs du secret, pour éviter tout scandale, croyait-on et par là même instigateurs du seul vrai scandale : faire souffrir plus encore les petits et mentir au peuple de Dieu. Comme Saul, nous étions dans nos certitudes. Et nous nous sommes fait renverser par le cri des victimes, après tant de douleurs enfouies ; comme un geyser qui à force d’infiltrations finit par jaillir des souterrains de la douleur et de la honte.

Qui sont nos Ananie ? Nos Barnabé, nos compagnons ? Qui nous relèvera ? Ne serait-ce pas d’abord les personnes victimes qui sont nos Ananie et Barnabé qui nous révèlent la mesure de ces crimes et des fracas infligés ? Elles qui mettent à découvert le mensonge – par actes ou par omissions - de nos institutions et de nos mœurs. Dans ce peuple des victimes, nous le savons, il y a aussi telles et tels de nos frères, de nos sœurs. Avant-hier, enfants. Hier parfois, comme novice ou jeune professe.


Ananie et les compagnons ce sont encore celles et ceux avec lesquels nous avons à coopérer dans cet impérieux labeur. Société civile, justice, experts. Tous ceux qui sont déterminés à soutenir fermement nos pas afin qu’ils ne puissent plus se dérober.

Toutes ces voix nous enjoignent de faire le vrai, de soutenir enfin les victimes, et de changer nos mœurs institutionnelles. Ce labeur, beaucoup d’entre nous l’ont commencé dans leurs instituts il y a parfois bien des années. Souvent de par la confrontation à la souffrance de victimes. Face au désastre.

Ensemble nous avons fait des pas importants. En juin dernier, nous avons accueilli et écouté avec gravité, effroi aussi, des personnes victimes qui sont là aujourd’hui encore parmi nous. Durant l’été il y a eu notre enquête à la fois sur ce que vous souhaitiez puis pour les instituts masculins, sur les faits dont nous avions connaissance. Il y a eu aussi notre réception de la lettre du pape François au Peuple de Dieu. Puis à notre AG de Lourdes, unanimement, nous avons voulu être totalement partie prenante des décisions des évêques de France et poursuivre nos propres réflexions, en signifiant aussi notre solidarité entre instituts religieux, entre femmes et hommes, engagés dans ce même combat. Après nos Assemblées, nous avons conjointement avec le Président de la CEF, Mg Pontier, demandé à M. Jean Marc Sauvé de constituer sous sa présidence une commission indépendante, dont les objectifs sont : faire la lumière sur les abus sexuels depuis les années 50, étudier la manière dont ces affaires ont été traitées, évaluer les mesures prises depuis les années 2000 et faire toutes préconisations utiles. M. Sauvé, que je remercie chaleureusement de sa présence ce matin nous dira quelques mots à propos de la commission en fin de matinée.

Nous sommes désormais convoqués à deux choses :

Tout d’abord en effet celle de faire la lumière, de dire la vérité, celles sur ce que nous avons fait et ce que nous n’avons pas fait.
Mais nous sommes aussi appelés à la véracité, autrement dit à l’ajustement entre ce que nous disons et ce que nous faisons, entre nos discours et la réalité de nos actes et de nos décisions, dans la formation, dans le gouvernement, combattant toute emprise, toute mainmise spirituelle, d’autorité et de conscience.

La vérité, plus encore la véracité, me rappelle ce qu’écrit St Thomas, je crois, dans son commentaire sur le livre de Job. Il souligne que la connaissance de cette vérité implique un cheminement : par nos propres forces nous l’atteignons seulement peu à peu, quasi pedetentim. On pourrait dire qu’en allant à pied on trouve cette vérité, dans l’impuissance du pèlerin ; on ne l’atteint pas assis sur le cheval, comme de puissants seigneurs. Aucun des 3 récits de la conversion de Paul ne fait mention d’un cheval. Mais le Caravage, lui, dans son œuvre bouleversante de 1600, que l’on admire à Santa Maria del Popolo à Rome, fait tomber Paul d’un immense cheval massif.

Tombés de cheval, il faut repartir à pied. Aveugles de surcroît. Obligés de se faire aider. Voilà où nous sommes. Et dans ce malheur, c’est là notre chance, la grâce qui nous est faite dans ce séisme.

Remercions alors de tout cœur toutes celles et ceux qui se font nos alliés exigeants pour parcourir le chemin, à commencer par les personnes victimes qui sont aujourd’hui avec nous pour réfléchir, échanger, nous faire confiance. C’est ce long chemin de Damas qui donnera du fruit, avant tout pour celles et ceux qui n’ont que trop soufferts mais aussi pour nous tous, pour nos communautés et leurs membres, pour notre Église et sa place en ce temps, afin que sa vie fasse authentiquement signe vers le vrai Dieu, celui auquel nous avons voué nos vies, un Dieu en faveur des plus vulnérables.

Véronique Margron op.
Présidente.
28 janvier 2019

Ecoutez aussi sur RCF l’édito de Sr Véronique Margron : ici