Passons sur l’autre rive. Vers une vie religieuse renouvelée
La vie religieuse, au moins en Occident, s’interroge sur son avenir du fait de son vieillissement dans des sociétés déchristianisées où les vocations se font rares. Cette situation peut être source d’angoisse, de fatigue, de découragement… La tentation est alors de continuer à vivre en reproduisant ce que l’on sait faire, sans se remettre en cause : « Dans cette voie, le travail pastoral et la vie communautaire sont assumés, mais le confort personnel est privilégié, ce qui se traduit par un certain individualisme », écrit François Bustillo, franciscain conventuel et évêque d’Ajaccio depuis juin 2021. D’où l’invitation faite à la vie religieuse à sortir de son immobilisme et de sa fadeur et à « retrouver le sel du prophétisme ». Mais pas n’importe lequel.
« Prophètes de l’effort »
Dès les premières pages de son livre, François Bustillo met en garde contre « les prophètes de l’effort » : « Ainsi les nouveaux arrivants veulent redonner à la vie religieuse sa force par des formes de piétisme, de volontarisme et de moralisme guidés par l’impératif : “il faut”. Dans cette réponse il y a la juste constatation d’un problème, mais on prône une mauvaise réponse (…). On soigne le faire et la forme, mais on néglige l’être et la vraie conversion. On est fidèles à la loi, mais sans aimer. » On reste dans la logique du faire qui est celle du monde.
Certes, écrit-il plus loin, le désir de radicalité des plus jeunes ne doit pas être méprisé. Il doit même être accompagné. Mais l’avenir de la vie religieuse n’est pas plus dans l’effort – qui peut vite tomber dans le formalisme – que dans le confort. Il s’agit de passer « sur l’autre rive ». « La vie religieuse navigue dans la barque de l’Église et, avec elle, traverse les tempêtes pour rejoindre l’autre rive. Parfois, la vie perd sa force prophétique, perd le sel (Mt 5,13), quand elle reste dans une logique de lamentation. Face à la tentation de demeurer immobiles, Jésus invite les siens à passer sur l’autre rive. Il ne s’agit pas de fuir mais d’aller plus loin pour voir de nouveaux horizons. L’autre rive est le lieu de la nouveauté à découvrir », note François Bustillo. Le lieu où il convient de témoigner de l’amour de Dieu, « cet Amour que nous avons cherché », qui est « notre moteur ». « Quand on aime, on donne du sens à sa propre vie et à celle des autres »,affirme-t-il.