À Marseille, des jeunes reconnaissants pour l’héritage de saint Ignace
« On m’a demandé de vous partager mon boulet… Je vais le faire, mais d’abord, vous connaissez l’histoire du boulet de saint Ignace ? »Cheveux courts et vareuse pourpre, sœur Céline Zimmermann interpelle volontiers son jeune auditoire. Ils sont une petite dizaine à écouter la sœur auxiliatrice, assis par terre autour d’elle. Plusieurs groupes similaires, tous rassemblés autour d’un « témoin » différent, parsèment le cloître de la Vieille Charité, dans le quartier du Panier. Ce samedi 30 octobre, premier des trois jours du rassemblement de la famille ignatienne à Marseille, tout abri est bon à prendre : il pleut sans discontinuer depuis le matin.
« C’est quand même original : l’année ignatienne qui s’est ouverte le 20 mai célèbre les 500 ans de la rencontre entre Ignace et un boulet de canon ! » poursuit sœur Céline, sourire aux lèvres. Elle raconte comment le jeune Espagnol a vu sa jambe fracassée lors du siège de Pampelune de 1521, et comment cet événement inattendu a changé sa vie. « C’est ce boulet de canon qui lui a permis de devenir saint Ignace de Loyola : boiteux, il ne pouvait plus être chevalier de la cour du roi comme il l’avait toujours rêvé. Il a changé de trajectoire, pour finalement devenir un chevalier du Christ. »
Les étudiants, venus notamment de l’école d’ingénieur de l’Icam, fondée par des jésuites, attendent la suite. Ce qu’ils veulent savoir surtout, c’est quel « boulet » s’est mis en travers de la route de la pétulante religieuse qu’ils ont en face d’eux. Comme promis, elle leur raconte cet épisode de son enfance : une violente rupture familiale qui l’empêcha longtemps de faire des choix et de s’engager. « Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! » La sœur auxiliatrice enchaîne sur un autre boulet de canon, positif celui-là : les Journées mondiales de la jeunesse de 1997, à Paris, qui l’ont « lancée » dans la foi.
1 500 collégiens et lycéens du MEJ
« Mes parents se sont rencontrés à ces JMJ ! » fait remarquer Claire-Ivy, 19 ans. La spiritualité ignatienne, cette étudiante à Angers connaît bien. Elle est même tombée dedans petite, avec les camps d’été du Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ). « Le MEJ, ça m’a construite : pour l’autonomie, la responsabilité, la foi… », racontera-t-elle au groupe une fois le témoignage terminé. « Cette ambiance me manquait trop, c’est pour ça que je me suis inscrite à ce rassemblement », renchérit Claire. Cette étudiante à Marseille s’est fait une joie de guider son petit groupe à travers les rues de sa ville pour cet après-midi de « déambulation » qui les a conduits jusque sous les voûtes couleur sable de la Vieille Charité. Il leur faut désormais trouver un lieu au sec pour un moment de partage collectif, avant le dîner puis les veillées.
Si le rassemblement « Au large avec Ignace ! » fait notamment la part belle aux couples et aux religieux, les jeunes constituent une part non négligeable des 7 000 personnes qui ont convergé jusqu’à Marseille. 1 500 collégiens et lycéens du MEJ, mais aussi 300 étudiants et jeunes professionnels du Réseau Magis, sans compter les jeunes membres de la communauté de Chemin-Neuf, du Mouvement chrétien des cadres (MCC) ou de la Communauté de vie chrétienne (CVX).
À l’heure des importants choix de vie, le discernement spirituel, clé de voûte de la spiritualité ignatienne, peut être un allié précieux. Comme pour cette médecin trentenaire de Perpignan, Laure, qui raconte comment l’écoute attentive de ses « mouvements intérieurs » avec l’aide d’une religieuse xavière lui a permis de quitter un hôpital où elle s’épuisait. Ou pour cette avocate parisienne du même âge, Louise, qui a pris cet été la décision de se marier à l’issue d’une « année Déclic » proposée par le Réseau Magis.
« Consacrer du temps » à ses choix
« L’accompagnement était vraiment respectueux, prônant la liberté avant tout et cassant l’idée du “mariage évidence” », raconte-t-elle, attablée dans un restaurant du Vieux-Port où elle dîne en compagnie des participants à la veillée qu’elle s’est choisie parmi treize propositions, « Justice et écologie ». Louise poursuit : « J’aime cette idée très ignatienne que les choix importants méritent qu’on leur consacre du temps, et qu’on les passe à la moulinette du cœur, du corps et de l’esprit. »
À rebours de l’image un peu sérieuse qui lui est parfois attachée, la famille ignatienne se sera aussi offert des moments d’allégresse pure, en ce début de rassemblement marseillais. En particulier lors du concert de gospel de Diony’s Voice qui s’est tenu au parc Chanot, non loin de la veillée « Justice et écologie » de Louise. Cette chorale aconfessionnelle créée en 2016 à Saint-Denis sous l’impulsion du jeune jésuite Louis Lorieux, chef de chœur, a été saluée par une interminable ovation après deux heures de negro-spirituals et de chants traditionnels.
Parmi les danseurs se trouvaient des jeunes du Service jésuite des réfugiés (JRS) et parmi les choristes, des jeunes proches de la spiritualité ignatienne. Dont Marie Julienne, 27 ans, salariée de la Maison Magis à Paris. « Avec une telle diversité d’origines et de milieux sociaux, cette chorale est pour moi une ouverture à autre chose. J’aime beaucoup son énergie ! Et le fait que cette musique, le gospel, engage tout le corps et touche directement le cœur. »