De la résonnance à l'action de grâce.
J’ai lu récemment l’ouvrage d’Hartmut Rosa, Résonance, qui nous invite à cultiver un art de vivre où nous sachions accueillir le monde extérieur, le laisser résonner en nous et nous transformer. Hartmut Rosa fait de cette compétence une condition incontournable de la « vie bonne », particulièrement malmenée dans la culture occidentale.
De quoi s’agit-il exactement ? Comment apprend-on la résonance ?
Cela ne s’apprend pas intellectuellement, en engrangeant des connaissances, car un contact bienfaisant avec le monde commence par notre corps et nos émotions. Les bonnes occasions sont nombreuses dans la vie quotidienne. Nous sommes sensibles au « temps qu’il fait », au chaud et au froid, si bien, par exemple, qu’une bonne odeur de café nous rend chaleureux envers les autres. Certaines personnes profitent d’une relation privilégiée avec un animal : « Le ronronnement d’un chat compte parmi les effets de résonnance les plus immédiats et les plus sensoriels que le monde puisse offrir », écrit Harmut Rosa. Mais il précise un point inattendu : « Le fait que le chat puisse refuser à sa guise de ronronner ou de se laisser caresser est la condition même d’une véritable relation de résonnance ; seul ce possible refus fait du ronronnement et des câlineries un processus résonnant » (Hartmut Rosa, Résonance. Une sociologie de la relation au monde, Ed. La découverte, 2018, p. 423″.
Effectivement, on n’imagine pas que le fait que l’échec de la relation puisse être un critère de résonance !
C’est tout simplement parce que dans ce cas, je suis obligée de tenir compte de ce que l’autre désire. Dans nos sociétés de consommation, nous voudrions tout maîtriser pour en profiter au maximum. Nous avons tendance à programmer nos voyages et à faire d’un beau paysage un objet de consommation esthétique, sans en attendre de message qui nous soit adressé. Mais l’animal peut me dire « non ». Ma relation au monde ne se limite plus à profiter de la nature ou de l’autre mis à ma disposition, mais j’apprends à écouter ce qu’ils me disent et à leur répondre.
C’est pour cela que la relation à l’animal peut constituer une véritable initiation à l’empathie ?
Oui, et c’est parfois très utile quand les relations humaines sont devenues trop fusionnelles et menaçantes. Dans cette perspective thérapeutique, c’est alors la juste distance restaurée par la différence avec l’animal qui protège l’enfant de ses émotions et lui permet d’oser à nouveau la relation et de développer ses capacités relationnelles. Mais la résonance forme aussi chacun et chacune d’entre nous à la reconnaissance envers l’autre ou envers le monde qui se donne à nous, précisément quand nous ne le maîtrisons pas. Nous pouvons alors découvrir Dieu « auteur de tant de beauté » et la contemplation du monde et des vivants dans leur ensemble comme un « mystère joyeux que nous contemplons dans la joie et la louange (Laudato si, n° 12). Et cela reste vrai même au moment où nous apprêtons à consommer, car nous pouvons apprendre à rendre grâce, comme le permet la tradition ancienne du bénédicité au début et à la fin des repas. Finalement, Hartmut Rosa et sa promotion de la résonnance nous initie à l’action de grâce, à une vie eucharistique.
Catherine Fino
1. Karen Gloy, « Les types fondamentaux des accès culturels à la nature », dans Dominique Bourg et Philippe Roch, Crise écologique, crise des valeurs ? Défi pour l’anthropologie et la spiritualité, Genève, Labor et fides, 2010, p. 235-246.
2. Georges Bachelard, La terre et les rêveries de la volonté, José Corti, 1947, 2004, p. 130.
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