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Donner la vie dans un monde en péril
Chers amis,
“Redressez-vous et relevez la tête.” Telle est l’invitation pressante de Jésus en Luc 21, alors même que l’évangile raconte qu’approche la dévastation de Jérusalem et qu’il y aura alors un grand désarroi. “Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.” (Lc 21, 20-28)
Je relis cette page alors qu’approche Noël. Alors qu’approche le fils de la paix, l’enfant nu et pourtant Dieu. Pas de nuée, pas de grande gloire, pas de puissance. Un trois fois rien. Une naissance.
Dans notre monde en péril, il est tous les jours des naissances qui viennent défier le malheur et la destruction. Au cœur de la guerre sans pitié en Ukraine, et en tant d’autres terres désolées de ce monde. Là, il est des naissances. De celles dont parle la philosophe agnostique Hannah Arendt, après sa réflexion sur le totalitarisme : “L’Alléluia – du Messie de Haendel – doit être exclusivement compris à partir du texte : un enfant nous est né… Tout commencement est salut, c’est au commencement, au nom de ce salut que Dieu a créé les hommes dans le monde. Chaque nouvelle naissance est comme une garantie de salut dans le monde, comme une promesse de rédemption pour ceux qui ne sont plus un commencement.”*
Voilà ce que nous attendons et espérons. Au creux de la nuit de tant de peines et de douleurs. Nulle part ailleurs. La promesse d’un commencement pour nous qui ne sommes plus un commencement. Cette promesse dont l’évangile de ce dimanche 18 décembre (Mt 1, 18-24) raconte qu’elle s’initia par un songe, annonce faite à Joseph, en son sommeil.
Bienheureux rêveur qui décida alors de prendre Marie chez lui et de faire de cet enfant, son fils. Trois fois rien aussi : un rêve, une toute jeune femme enceinte et un homme juste. Trois fois rien qui font un commencement inouï, un miracle au sens encore d’Hanna Arendt : “la capacité à commencer”, à l’inédit. Joseph, un rêveur et un homme de l’action, un juste qui fit entrer le salut en ce monde par un songe auquel il a cru.
Alors en ces jours qui nous préparent à Noël, des jours qui peuvent être si lourds pour beaucoup, heureux pour d’autres, puissions-nous simplement nous décider à être des femmes et des hommes de commencement, à agir pour les commencements. Au creux de la nuit, des êtres qui relèvent la tête, simplement parce que “les hommes, bien qu’ils doivent mourir, ne sont pas nés pour mourir mais pour innover”**, pour bâtir, pour créer. Pour vivre et offrir la vie.
Véronique Margron op
* Hannah Arendt, “Journal de pensée (1950–1973)”, éd. Seuil, 2005
** Hannah Arendt, “Condition de l’homme moderne”, trad. Georges Fradier, éd. Calmann-Lévy, 1961
A retrouver et à écouter sur RCF également : https://www.rcf.fr/articles/actualite/edito-de-veronique-margron-donner-la-vie-dans-un-monde-en-peril
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