Gestes, paroles, pensées, prendre soin de la relation — Union des Réseaux Congréganistes de l'Enseignement Catholique

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Gestes, paroles, pensées, prendre soin de la relation

Dans les métiers de la relation, l’impératif est à la distanciation. Mireille Cifali, historienne et psychanalyste, cherche au contraire à préserver une relation où on est « touché et affecté ». À rebours de l’air du temps, Mireille Cifali n’hésite pas à parler de valeurs et de vertu, de tact, d’engagement et de subjectivité, de sentiments et d’affects, et même d’intériorité. Autant de fils que sa vision humaniste tresse et consolide. Son ouvrage, très accessible, n’est pas destiné au seul public de professionnels. Il intéressera tous ceux qui accordent de l’importance à la relation.

Pavillon rouge sur les métiers de la relation. Soignants, éducateurs, enseignants, travailleurs sociaux sont aujourd’hui contraints par des impératifs de distanciation, d’objectivité et d’efficacité qui mettent leur quotidien à rude épreuve. Historienne, psychanalyste, professeure honoraire en sciences de l’éducation de l’université de Genève (Suisse), Mireille Cifali ne se résigne pourtant pas à voir la relation de soin ou d’éducation s’appauvrir. Avec Préserver un lien, qui fait suite à S’engager pour accompagner (PUF, 2018), elle propose un ouvrage de résistance paisible.

La relation est un terrain délicat. Celui qui s’y engage doit pouvoir conjuguer les contraires, relève-t-elle : « Chercher à se connaître et reconnaître que bien des fois cela échappe ; être attentif à ce qui nous entoure et rester dans une attitude flottante ; construire des habitudes et pouvoir y déroger ; avoir des certitudes et être prêt à y renoncer ; traiter l’autre dans sa singularité sans perdre l’esprit de la communauté ; accepter la qualité d’être vulnérable en certaines circonstances, fragile à d’autres moments, et néanmoins conserver les forces d’affronter ; faire confiance et être lucide sur les mécanismes institutionnels ; se protéger et néanmoins prendre des risques… »

Un savoir-faire difficile à acquérir

Ce savoir-faire paraîtra difficile à acquérir, sans doute s’enseigne-t-il difficilement, à coup sûr n’est-il jamais acquis, mais Mireille Cifali, qui fut l’élève de Michel de Certeau, montre que l’on peut offrir « l’hospitalité d’un lien ». Avec une grande simplicité, elle assume une parole à la première personne pour partager ses inquiétudes, ses questions et ses convictions, toute une sagesse pratique acquise grâce à une longue expérience d’écoute, qu’elle résume d’une formule : « Se soutenir comme “sujet” et soutenir l’autre comme “sujet”. Une utopie à ne pas perdre. »

Ce que la psychanalyse a encore à nous dire

Pour avancer dans cette direction, elle conseille la modestie et l’autocritique. Elle invite à ne pas éluder ce qui angoisse et résiste, car les épreuves permettent d’« apprendre de et pour soi ». « Comme historienne, j’ai appris que ce que nous avons découvert – psychanalyse y compris – n’est jamais bon en soi. Nos avancées à la fois épargnent bien des souffrances et en causent de nouvelles. Elles peuvent produire du négatif, se retourner contre ceux qu’elles étaient censées libérer. » La vie d’une relation est donc affaire d’attention et d’ajustements permanents.

À rebours de l’air du temps, Mireille Cifali n’hésite pas à parler de valeurs et de vertu, de tact, d’engagement et de subjectivité, de sentiments et d’affects, et même d’intériorité. Autant de fils que sa vision humaniste tresse et consolide. Son ouvrage, très accessible, n’est pas destiné au seul public de professionnels. Il intéressera tous ceux qui accordent de l’importance à la relation.

article de La Croix du 16 octobre 2019